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03/01/2024
Actualités institutionnelles, Risque pays et études économiques

Xavier Durand : "Nous voyons se profiler un mur de la dette avec de grosses échéances en 2025"

transition écologique va aussi créer des opportunités

L’assurance-crédit a plus que jamais un rôle à jouer dans un monde moins prévisible, plaide le directeur général de Coface dans la deuxième partie de son entretien avec l'Agefi. Xavier Durand revient ici sur les conséquences des stratégies RSE pour les entreprises, comment Coface s'est emparé de ces questions et le rôle de l'assurance-crédit dans ces temps incertains.

(Retrouvez la 1ère partie de l'entretien)

 

Jusqu’où ira la normalisation des défaillances d’entreprises ?

C’est très difficile à prévoir car les politiques et les banques centrales interviennent selon un jeu difficile à régler. Il s’agit de freiner l’inflation tout en évitant de créer une récession massive. Toute la question est de savoir jusqu’où aller alors que la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle prend du temps. Voilà un an et demi que les taux sont en hausse et l’inflation commence juste à redescendre. L’objectif est de parvenir à opérer un atterrissage en douceur mais dans les faits, nous voyons la croissance mondiale ralentir à 2,2% en 2024, ce qui est historiquement assez faible.

 

Comment évolue l’accès au financement ?

Les entreprises se sont financées à des prix bas pendant des années. Désormais, les conditions de coût et les volumes de financement sont moins favorables. Ayant bénéficié de soutiens publics pendant les crises récentes, les entreprises en ont-elles profité pour revoir leur modèle d’affaires ou sont-elles restées dans l’état d’entreprises en sursis, qui ne seront pas capables de rembourser leurs dettes avec leurs seuls cash-flows ? La question est de savoir quelles parts des entreprises rentrent dans l’une ou l’autre catégorie.

Environ les deux tiers des prêts garantis par l’Etat (PGE) restent à rembourser. Donc cela constitue toujours une forme de soutien par rapport aux conditions actuelles de financement. Mais les entreprises « zombies » vont faire face, à partir de l’année prochaine, à un certain mur de refinancement que certaines auront du mal à franchir. La logique de marché va reprendre ses droits et de nouveaux gagnants et perdants de la crise vont apparaître.

 

« Nous voyons se profiler un mur de la dette avec de grosses échéances en 2025 »

Certes, les marges des entreprises restent bonnes, les situations de trésorerie aussi, c’est pour cela que le durcissement monétaire prend du temps, dans un contexte où le point de départ est favorable. D’autant que les entreprises ont sécurisé des sources de financement sur plusieurs années à des taux qui sont très faibles.

Mais nous voyons se profiler un mur de la dette avec de grosses échéances en 2025. Tout dépendra du rythme de la normalisation. Pour l’instant, le niveau des défaillances reste proche des moyennes annuelles pré-Covid, d’environ 50.000 par an en France.

 

Faut-il redouter le mur des investissements qui pointe avec la transition écologique et énergétique ?

Les investissements dans les énergies décarbonées se sont fortement accélérés ces dernières années, ils atteignent un peu moins de 2 trillions de dollars au niveau mondial. Ce montant reste largement insuffisant si l’on veut s’inscrire dans une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris. C’est plus du double qu’il faudrait investir chaque année à l’horizon 2030. L’écart est encore colossal, d’autant qu’il est à financer dans des conditions nettement plus restrictives que par le passé.

Tous les acteurs économiques devront prendre part à l’effort qui ne peut être que collectif : les Etats bien sûr, qui doivent créer le cadre fiscal et réglementaire adéquat, mais aussi les ménages et les entreprises.

 

Les entreprises sont-elles en mesure de faire face à ces transitions ?

La marche est en effet haute, et si les entreprises n’ont pas attendu 2023 pour avoir des politiques RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale), les enjeux liés à l’urgence climatique ont pris une nouvelle dimension ces dernières années. Les actions en faveur du climat progressent, les réglementations et la taxonomie se mettent en place mais tout ce cadre est d’une grande complexité.

Tous les secteurs ne sont pas égaux face à la transition écologique. Certains, comme le bâtiment ont pris de l’avance, notamment incités par la règlementation, alors que d’autres comme l’automobile, qui est en train de se réinventer, voient leur modèle économique profondément remis en question.

Evidemment, au-delà des secteurs, la situation de chaque entreprise est particulière, mais toutes continuent de se structurer pour faire face à ces questions complexes qui touchent à la fois la culture, les compétences à (ré)inventer, tout en étant capables de répondre aux nouvelles normes réglementaires de plus en plus exigeantes.

La situation est d’autant plus difficile à lire pour les entreprises que le cadre est encore loin d’être stabilisé au niveau international. Cela suppose un accord entre les Etats, un objectif qui n’a rien d’évident.

Chaque médaille ayant son revers, cette transition écologique va aussi créer des opportunités : de nouveaux métiers, de nouveaux marchés, de nouvelles technologies… L’économie est sans cesse en train d’innover et la transition écologique est un terreau propice à l’innovation.

 

Quelle est l’action de Coface en particulier sous l’angle de la RSE ?

La stratégie RSE de Coface repose sur trois piliers, en tant qu’employeur, en tant qu’assureur- crédit et en tant qu’organisation engagée à réduire son empreinte propre

En tant qu’assureur, nous disposons d’un portefeuille d’investissements de 3 milliards d’euros et avons défini les règles pour l’investir de manière responsable : son impact carbone est calculé et on s’assure qu’il baisse progressivement. Nous excluons différentes activités – qui évoluent en fonction de la taxonomie (comme les secteurs polluants/non éthiques) – et la notation ESG (environement, social, gouvernance) de notre portefeuille s’améliore d’année en année.

Notre politique commerciale prévoit également la limitation ou la réduction de nos engagements dans les secteurs liés aux énergies fossiles et dans des domaines non éthiques (armes interdites par la convention d’Ottawa notamment, jeux, espèces en danger...)

Nous sommes également très attentifs à la manière dont nous gérons nos opérations (réduction des espaces, réduction des voyages, réduction globale des déplacements grâce au télétravail généralisé).

Enfin, nous avons décidé de doubler d’ici à 2025 le soutien à des projets ESG dans le cadre de nos solutions d’assurance Single Risk (énergies renouvelables, sauvegarde des milieux naturels, santé...).

En tant qu’employeur responsable, nous développons au sein de Coface une politique RH qui vise à assurer le bien-être de nos collaborateurs, en leur offrant un cadre propice au développement, inclusif et divers, facteur clé de succès pour nos équipes qui comptent plus de 80 nationalités réparties dans 58 pays. Nous mesurons régulièrement l’engagement de nos collaborateurs, mesures suivies de plans d’action tels que le développement des opportunités de carrière par des mobilités internationales, ou fonctionnelles ou des plans de formation spécifiques pour nos talents, notamment en nous appuyant sur des académies internes destinées à renforcer l’expertise. Nous menons également de nombreuses actions pour promouvoir la diversité au sein de Coface. La parité homme-femme en fait partie. Nous mettons tout en œuvre pour atteindre l’égalité salariale à court terme et augmenter la représentation des femmes parmi les senior managers. Avec pour objectif d’atteindre 40% de femmes d’ici à 2030. Cet objectif est déjà bien avancé puisqu’elles représentent 36% de ces senior managers aujourd’hui.

 

Dans le contexte de turbulences, comment évolue le rôle de l’assurance-crédit ?

Le monde est plus complexe, moins prévisible. Plus que jamais notre rôle est d’aider nos clients à naviguer dans ces eaux agitées en toute sécurité. Nous intervenons classiquement en prévention et en indemnisation des risques et en recouvrement des impayés.

Nous surveillons les risques pour le compte des entreprises, c’est encore plus important aujourd’hui compte tenu des transformations majeures de la société. Nous avons bâti une infrastructure unique pour ce faire, qui va de l’analyse économique, des secteurs, des pays, vers la récupération de données concrètes de bilans et comptes d’exploitation à grande échelle. Notre base d’informations compte le suivi de 188 millions d’entreprises dans 200 pays. Nos données, nos experts et nos systèmes technologiques intègrent les dernières avancées de l’intelligence artificielle… Tout cela nourrit notre savoir-faire en matière d’analyse de risques. Ce métier réclame une capacité d’investissement, une taille et un historique long en expérience et en données.

En pratique, pour les entreprises, nous développons des outils de scores et de surveillance pour que nos clients surveillent leurs propres clients. Une forte évolution de notre offre tient à la facilité d’utilisation de nos services par nos clients. Ils doivent avoir rapidement accès à nos données : il y a cinq ans, il fallait une semaine pour délivrer une garantie, aujourd’hui quelques heures suffisent. Le sujet de la connectivité est également une priorité, elle doit être optimale.

Depuis trois ans, nous avons développé une offre de service d’information, complémentaire et synergétique de nos activités d’assurance-crédit. Nos données, qui servent dans l’analyse de nos propres engagements en crédit, leur permettent de suivre le risque de leurs fournisseurs autant que de leurs clients. Elles sont utiles à l’ensemble de leur recherche de partenaires commerciaux.

Concernant les TPE et PME qui publient moins de données que les grosses entreprises, nous devons gérer les risques avec moins de connaissance. Les servir mieux représente une quête de longue haleine, sur laquelle nous progressons en permanence, grâce à la multiplication des données disponibles et aux nouvelles technologies. Il faut leur fournir une solution simple et efficace, la démarche mobilise la technologie mais aussi le juridique et l’analyse du risque. Enfin, il faut trouver les bons canaux de distribution, pour conserver l’équilibre entre le temps passé à la vente et le prix du service.

 

Quel est le potentiel de progression de l’assurance-crédit ?

Nous ne sommes pas nombreux dans ce secteur très exigeant, Or partout dans le monde, les entreprises ont besoin de surveiller leur risque de crédit : on estime qu’un quart des faillites dans le monde sont liées à un problème d’impayés. D’où notre rôle indispensable, pour aider les entreprises à prévenir le risque, avec de l’assurance-crédit ou de la fourniture de données. En Allemagne et en Pologne, nous avons également une activité d’affacturage. Ailleurs, nous accompagnons les factors.

Nous exerçons avant tout un métier de prévention. L’assurance-crédit n’est pas un produit cher, elle représente quelques dizaines de points de base du chiffre d’affaires des entreprises. Donc pour équilibrer primes reçues et sinistres indemnisés, il faut trouver l’optimum entre le prix auquel est vendu la prestation et le niveau de risque que l’on est prêt à porter. Nous nous engageons donc sur des transactions bien pensées entre assuré et assureur. Nos bons résultats sur le début de l’année sont notamment le fruit de notre bonne gestion et prévention des risques.

Contact


Pour nous écrire, nous poser une question, ou simplement pour vous informer :

Adrien BILLET
adrien.billet@coface.com
+33 1 49 02 23 63
 
Taline SARKISSIAN
coface@rumeurpublique.fr
+33 1 55 74 52 34

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