Les cours du pétrole stabilisés autour de 100 dollars – niveau le plus élevé depuis 2014 – bénéficient sans surprise aux pays du Golfe. Toutefois, l'augmentation des prix des produits agricoles exerce des pressions à la hausse sur l'inflation des prix à la consommation.
Malgré les efforts de diversification, les hydrocarbures représentent toujours une source importante de revenus pour les pays du Golfe. La production d'hydrocarbures représente ainsi environ 30 % du PIB des Émirats arabes unis, 40 % du PIB au Qatar et en Arabie saoudite, 20 % au Bahreïn et 45 % au Koweït et à Oman. La hausse des cours devrait ainsi permettre une augmentation des dépenses et de l’investissement du secteur public dans toute la région. Celles-ci représentent près de 40 % des dépenses totales de consommation et 20 % des investissements totaux en Arabie saoudite.
La hausse des prix de l'énergie devrait également stimuler le secteur privé, et contribuer à accroître l'investissement dans les secteurs non pétroliers. Les données PMI indiquent ainsi que la croissance de la production reste forte aux EAU et en Arabie saoudite. Ces 2 pays restent en compétition pour attirer les investissements étrangers nécessaires à la diversification de leurs économies. La hausse des revenus des hydrocarbures devrait également soutenir la contribution des exportations nettes à la croissance du PIB, notamment au Koweït et au Qatar (les hydrocarbures représentent environ 90 % des exportations totales), en Arabie saoudite (70 %) et à Oman (65 %).
Pressions inflationnistes, achats de terres à l'étranger et contraintes budgétaires
Malgré l'amélioration des performances économiques et notamment des exportations, la hausse des prix de l’ensemble les produits de base, dont les denrées alimentaires, renforcera les pressions inflationnistes dans la région. Ces pressions seront exacerbées par les frais de transport élevés. Les pays du golfe importent 85 % de leurs besoins alimentaires. Afin d'accroître la stabilité des approvisionnements, les gouvernements ont choisi d'acheter des terres dans des pays producteurs, principalement en Afrique et en Asie. L'accessibilité à la nourriture peut cependant devenir un défi car de nombreux pays producteurs ont commencé à plafonner leurs exportations pour répondre aux besoins nationaux et modérer l'inflation locale. Ainsi, même si l'inflation dans les pays du golfe restera plus modérée que dans d’autres zones en raison de l'énergie produite localement, elle devrait dépasser 2,5 % en moyenne. L'Arabie saoudite devrait faire exception, car elle bénéficiera d'un effet de base favorable lié à la TVA.
Par ailleurs, même si la hausse des prix de l'énergie améliorera les équilibres budgétaires dans les pays de la zone, les masses salariales élevées, dues en partie au nombre de personnes employées dans le secteur public, continueront de peser sur les budgets. Le budget du Koweït alloue par exemple pour 2022, 55 % de ses dépenses totales aux salaires et avantages sociaux selon la Banque mondiale.
Taux d'intérêt, impact du retrait du pétrole russe et partenariats énergétiques
Dans l'ensemble, les perspectives de croissance et d'inflation rendront les banquiers centraux des pays du Golfe confiants dans la possibilité de procéder à des hausses de taux. En mars, les banques centrales du Qatar, du Koweït, de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de Bahreïn ont relevé leurs taux de 25 points de base après la décision de la Fed. Si celle-ci opère un resserrement plus agressif qu’anticipé, le durcissement des conditions financières pourrait peser sur la dynamique de la consommation intérieure et de l'investissement dans la région.
Enfin, à date il semble peu probable que les pays du Golfe puissent compenser le retrait partiel du pétrole russe des marchés internationaux. La part de l'Arabie saoudite dans les importations de pétrole brut de l'UE s'élève à près de 7,5 %, tandis que celle des EAU est inférieure à 1 %. Ces pays ont réussi à obtenir des contrats à long terme avec leurs clients asiatiques grâce à des relations de longue date. Ainsi, 90 % des exportations du Qatar sont liées à des contrats à long terme avec des clients asiatiques. Cela n’a pas empêché le Qatar et l'Allemagne de conclure un partenariat énergétique à long terme en mars afin de faire progresser les discussions sur les approvisionnements en GNL à long terme. L'UE importe aujourd’hui 5 % de son gaz naturel du Qatar, contre 41 % de la Russie et 16 % de la Norvège.