Distinguo entre pâte à papier en amont et produits en papier en aval
L’industrie papetière comprend la production de pâte à papier et sa transformation en emballages à base de papier, papier graphique et articles d’hygiène en papier. Les entreprises papetières opèrent en amont (pâte à papier), en aval (produits en papier) ou tout au long de la chaîne de valeur (intégration verticale). L’industrie est principalement locale ou régionale en raison des coûts élevés de transport associés à la nature volumineuse et lourde des produits en papier, ce qui rend la production et la distribution locales plus économiques. Les entreprises papetières intégrées verticalement contrôlent plus des deux tiers de la production mondiale de pâte à papier, les usines de pâte étant situées à proximité des usines de papier pour des raisons d'efficacité. Le tiers restant, la pâte dite marchande, est vendu sur les marchés internationaux pour répondre aux besoins des pays déficitaires en ressources forestières et des entreprises opérant uniquement en aval. Bien que les prix de la pâte à papier varient entre les régions en raison des différences de qualité, de propriétés et de coûts d’exploitation, ils ont tendance à suivre des schémas similaires dans toutes les grandes régions productrices. La Chine concentrant près du tiers de la production de produits en papier, le pays est le principal moteur du marché mondial de la pâte.
Stabilisation de la production et des prix de la pâte à papier en 2025 après une légère reprise en 2024
La production mondiale de pâte à papier a progressé de 2 % en 2024, marquant un rebond modeste mais significatif après une forte contraction de 6 % en 2023. Ce retournement de tendance a mis fin à un long cycle de déstockage dans les industries clientes, qui avaient passé l’année précédente à s’ajuster à une consommation des ménages en berne et à une activité industrielle atone sur les principaux marchés. En 2023, la production était revenue à son niveau d’avant la pandémie, mais la demande était restée faible, poussant les fabricants de papier à réduire leurs commandes et à écouler leurs stocks. Cette reprise de la demande a eu un effet positif sur les prix de la pâte à papier (+5 % en 2024), sans toutefois compenser la baisse enregistrée en 2023 (-7 %).
Nous anticipons une stagnation de la production et des prix de la pâte à papier en 2025. Dès le second semestre 2024, les deux indicateurs ont commencé à perdre de leur dynamisme sur des marchés clés tels que l’Amérique du Nord, le Brésil et la Scandinavie, avant de ralentir davantage (prix) et d’enregistrer une croissance négative (production) au premier semestre 2025. La détérioration des perspectives économiques mondiales pour 2025, provoquée par la politique tarifaire des États-Unis et un contexte de forte incertitude, devrait se traduire par une baisse de la demande en emballages en papier, et donc en pâte à papier (l’emballage représentant environ 70 % de la consommation mondiale de pâte).
Ce contexte défavorable vient s’ajouter aux difficultés rencontrées par les producteurs de pâte à papier de l’hémisphère Nord — notamment aux États-Unis, au Canada, en Scandinavie et au Japon — dont la part dans la production mondiale a régulièrement reculé au cours de la dernière décennie au profit d’acteurs de l’hémisphère Sud comme le Brésil, l’Indonésie, l’Uruguay et le Chili. Ces producteurs émergents approvisionnent non seulement des pays structurellement déficitaires en pâte comme la Chine, le Japon et l’Inde, mais ils concurrencent également de plus en plus les marchés nord-américains et européens.
Outre cette concurrence intense de la part de producteurs à bas coûts, les fabricants de pâte doivent faire face à des coûts énergétiques durablement élevés — en particulier en Europe et en Asie, ainsi que ceux qui exploitent des usines sans systèmes de cogénération efficaces ou qui dépendent du marché de gros pour leur approvisionnement en énergie. La concentration croissante parmi les groupes papetiers intégrés verticalement, qui sont à la fois clients et concurrents, constitue une autre source d’inquiétude. Parmi les opérations marquantes figurent l’acquisition de DS Smith par International Paper et la fusion entre Smurfit Kappa et WestRock au premier semestre 2024.
À noter que le Règlement de l’Union européenne sur la déforestation (EUDR), qui devait initialement entrer pleinement en vigueur en janvier 2025, a été reporté à 2026 afin de laisser aux entreprises davantage de temps pour se préparer à ses exigences. Ce règlement obligera les entreprises à garantir que leurs produits ne proviennent pas de zones déboisées dans le but de promouvoir des pratiques plus durables dans l’industrie. S’il devait avantager les acteurs disposant déjà de chaînes d’approvisionnement responsables, il entraînera également une hausse des coûts de conformité, compliquera la gestion des chaînes logistiques et pourrait restreindre l’accès au marché pour les importateurs européens comme pour les exportateurs internationaux ne respectant pas les exigences de l’UE. L’EUDR constitue la dernière initiative majeure visant à encourager l’industrie papetière à adopter des pratiques commerciales plus durables.
Produits en papier : rebond des emballages, déclin du papier graphique, articles d’hygiène résilients
L’industrie papetière a produit environ 428 millions de tonnes de produits à base de papier en 2024, soit une hausse de 4% par rapport à 2023. L'Uruguay (+14%) et le Chili (+11%) se sont distingués des autres principaux producteurs, dont la croissance de la production a oscillé entre 0 et 6%.
Les emballages à base de papier représentent 70 % des volumes de produits en papier. Le papier étant utilisé dans de nombreuses industries, tant pour l'emballage primaire (emballage en contact direct avec les marchandises) que pour l'emballage secondaire/tertiaire (emballage utilisé pour le stockage et le transport), la production est largement alignée sur les tendances de la production industrielle et du commerce international. À l'instar de la pâte à papier, la production d’articles en papier s’était nettement redressée entre S2 2023 et le début de S2 2024 avant de perdre de son élan.
Représentant 20 % des volumes de produits papetiers, le papier graphique a atteint son point haut en 2007 et n'a cessé de décliner depuis, la production ayant diminué d'un tiers au cours de la dernière décennie. Le déclin du lectorat des journaux imprimés et la réduction de la consommation de papier d'impression due à la numérisation de l'économie sont des tendances lourdes et séculaires ; les données de production, lorsqu'elles sont disponibles, montrent que 2024 n'a pas fait exception à la tendance. Les stratégies visant à réduire la surcapacité en fermant des usines dans les économies matures à un rythme de 3 à 6 % par an et à trouver des marchés de niche plus rentables et viables sont la priorité des acteurs spécialisés. Cela dit, la conversion des lignes de production du papier graphique vers l'emballage pourrait accroître la surcapacité sur ce marché de produits adjacent.
En comparaison, les articles en papier à usage sanitaire (10 % des volumes de produits en papier) sont davantage à l'abri des cycles économiques en raison de leur nature essentiellement non discrétionnaire. La consommation par habitant est fortement corrélée aux niveaux de revenus des ménages : la production mondiale a augmenté de 25% au cours de la dernière décennie, principalement sous l'impulsion de la Chine (+44%), du Brésil (+35 %), du Mexique (+22%), de la Pologne (+70%) et de l'Inde (+290%). Les produits sanitaires se distinguent du reste du marché, car il s'agit essentiellement de biens de consommation vendus par la grande distribution. En 2024, les principaux producteurs, notamment Kimberly Clark, Oji Paper, Essity, Unicharm, Hengan International et Ontex, se sont tous mieux comportés que l'ensemble de l'industrie papetière en enregistrant une croissance plus forte de leurs ventes et des marges brutes globalement stables.
Les tendances de long terme continueront de façonner la demande en 2025 et 2026, tirant à la hausse la demande en papiers sanitaires et à la baisse la demande en papiers graphiques. Les ventes d’emballages en papier devraient rester stables dans le meilleur des cas en 2025 et enregistrer une faible croissance en 2026, avec de possibles nouveaux épisodes de volatilité (accumulation de stocks, déstockage) liés aux changements de la politique tarifaire américaine